jeudi 23 octobre 2008

Triste

Mon grand-père est mort un 23 octobre.
C'était un chauffeur d'autobus scolaires qui faisait la liaison
Amqui-Matane-Amqui pendant les heures de cours.

Il donnait des bonbons aux passagers.
Tout le monde l'aimait et, en cherchant un peu, vous pourriez probablement trouver
des gens pour vous en parler encore longuement.

Il s'est résigné à prendre sa retraite à 72 ans.
C'était un homme sociable de peu de mots.
À sa retraite, il a continué à fréquenter son cercle d'amis
mais sans la route c'était différent.

Il venait chez nous à chaque soir à six heures et quart.
Me donnait des bonbons et le journal de la journée que je lisais pendant mon dessert.
À l'adolescence, j'ai continué de prendre ses bonbons et ses journaux
mais d'une façon détaché, mesquine presque, comme seul un ado peut le faire.

Il a finit par perdre son permis de conduire et à partir de là plus rien n'allait.
Il fut placé au foyer Beauséjour où je ne l'ai pas visité une seule fois.
J'étais au Cégep, et j'étais terrorisé par ce mouroir.

J'ai entretemps quitté pour Montréal.
Je suis revenu l'été suivant.
On jouait au basket dans la cour de l'aréna, je le voyais qui passait, s'en allait chez nous, nourrir le chien qu'on lui avait offert mais qu'il ne pouvait garder au foyer.

«A tu vu lvieux crisse ek son coat de cuir pis ses gants en plein été!!»
«C'est mon grand père»
J'étais un brin moins ado et j'allais lui parler un peu, à travers la grille.
Je retournais lancer des ballons, il partait émietter des galettes à la mélasse à Bijou.

L'été s'est terminé, je suis reparti pour Montréal.
On s'est parlé un peu avant mon départ, je ne me souviens plus de quoi.
Peut être qu'on s'est fait une accolade.
Surement pas.

Septembre est passé comme septembre.
Il ne se passe jamais rien en septembre,
c'est l'été qui finit puis octobre arrive.

Apparemment, à la mi-octobre mon grand-père a changé.
Il était plus serein, moins frustré d'être enfermé.

Une journée il est arrivé chez mes parents pendant que ma mère et mon frère s'engueulaient.
Il est ressorti de la maison sans rien dire, est aller donner
la galette à Bijou.

Il connaissait bien ma mère. Connaissait mon frère aussi.
Et même en connaissant bien ma mère, sachant ce qu'elle pouvait parfois dire
il a dit à mon frère, qui était à son tour un ado:
«Fait attention à tes parents, c'est les seuls que t'auras jamais.»

Il est mort plus ou moins une semaine après.
En pleine nuit.
Tombé du balcon du deuxième étage.

L'enquêteur a conclu à un accident
mais a longtemps évalué la possibilité du suicide.
J'aime mieux croire qu'il a un soir décidé de sauter du balcon
plutôt que de rester dans sa chambre à prendre ses pilules.

Cette semaine, on regardait les photos de la première grossesse avec Fiston.
Puis celles de ses deux premières années.
«Mais pourquoi chu pu un bébé moua?» qu'il a lâché en sanglotant.
Le motton m'a pogné moi aussi vu que je me demandais la même affaire.


Deux jours plus tard, Fiston ne veut pas que ce soit moi qui le couche.
Ça fait quelque temps que c'est comme ça.

C'est mieux c'est maman qui me raconte une histoire.
Pourquoi c'est mieux?
Pass toi je t'aime pas.
Pardon? Tu trouves que c'est gentil ske tu dis là?
J'aurais pu ajouter à trois ans et demi.

C'est mieux c'est maman qui me couche pass toi je t'aime plus.
OK d'abord, moi non plus je t'aime plus.
C'est mieux toi t'es mort.
Coudonc toi tabarnac, t'as tu 14 ans tout d'un coup pis personne me l'a dit???
Ok, bon, tu vas te passer d'histoire pour ce soir chummy.
NOOOOOON.

La crise.

C'était pas grave papa quoi j'ai dit, un asquidant!! Veux mon histoiiiire!
Il me serrait fort comme jamais auparavant, mais c'était pour son histoire principalement. Pour les remords ensuite.

Pouvait pas vraiment penser ce qu'il disait.
Faudrait pas.
Sinon, va falloir que je me trouve un balcon plus haut que le deuxième étage
parce que je tofferai pas la run.

17 commentaires:

Anonyme a dit…

La vie roule toujours vaille que vaille. Comme disait Félix Leclerc: " On se léve, on marche, on court, on marche on se couche..." Lire des histoires à mon fils qui a aujourd'hui 20 ans est une chose que j'ai beaucoup aimé. Il me semble que j'aurais un second enfant presque juste pour ça...

Doparano a dit…

Quand les enfants me disaient qu,ils ne m'aimaient pas je leurs disaient que je les aimaient encore plus qu'avant parce que si ils étaient rendues au point de ne plus m'aimer c'est qu'ils allaient pas bien et qu'ils avaient encore plus besoins de mon amour.

On peut tellement être tordus comme parents des fois pour donner des remords à nos kids.

Aujourd'hui, ça fonctionnerait plus. J'ai bien fait d'en abuser quand j'ai eu l'occasion de le faire.

Ton fils, il vieillit, commence à s'affirmer, se détacher, ça fait mal mais ça revient toujours.

Je travaille tous les jours avec des "ton grand-père" un jour j'en trouverai un mort par exprès, j'en suis certaine. Et je le comprendrai.

Je t'aime Gom!

Miléna a dit…

Ma soeur disait l'autre jour que la première crise d'ado est à trois ans... et plusieurs de mes amis ont opiné du chef. C'est une période criss, c'est sûr.

Sinon ben, j'ai tellement pleuré à cause de ton billet que je ressemble à une poupée Bout'chou bourrée de coups de poings. Je vais be boucher de ce bas.

Câlinade virtuelle, mon Gom'...

Gomeux a dit…

Woa.
Une crise d'ado à trois ans.
Pourrai pas dire que j'aurai pas été avertis.

Merci vous trois.
C'est vraiment apprécié vos commentaires.

Yvan a dit…

Fuck il vous disent des affaires toffes quand même les enfants.
T'as beau prendre ça en jeu, moi ça m'aurait rentrer dedans ce :
"C'est mieux, toi t'es mort".
Je lui aurais dit la même chose dans le genre: toi non plus je t'aime aussi. Il parle de la mort déjà, mais cela fascine tôt.
Ton billet me touche à cause de ce thème et parce que mon père est né un 24 octobre.

gaétan a dit…

Moi mon grand-père c'est de l'avoir amené 1 fois ou 2 aux danseuses qui a marqué notre relation. Et nos parties de cribe au foyer des vieux. Souvent je le laissais gagner. Dans ce temps-là il s'informait toujours à la parenté quand je ''descendrais de la ligne'' (travail dans les camps le long de la voie ferrée sur 10/4) J'étais son préféré mais ça devenait pesant à la longue.
Y a eu une ferme dans l'coin de st -alexis...

Gomeux a dit…

Selon un journal que j'ai trouvé par terre, l'église affirme que l'univers a été créé un 23 octobre, en 4004 avant Jici.
Faque. Han?
Ouan.

Ouais Yvan, sont pas tout le temps subtils les morveux. Bonne fête à monsieur ton père!

Gaétan, moi aussi j'étais pas mal le préféré, même si il faut pas vraiment dire ça à ce qu'on dit...
Ma mère m'a lâché, pendant que j'étais en train de le regarder dans son cercueil, "y demandait souvent comment ça allait à Montréal".
J'ai explosé de peine avant même qu'elle finisse sa phrase...

McDoodle a dit…

Oh ! Doit faire bobo effec.
Hon.

J'ai googlé ça, la crise à 3 ans. On rapporte : 1re phase de séparation-individualisation complétée.

Au même endroit : « 75 à 85 % des jeunes traverse l'adolescence harmonieusement. » Ha. Ha. Ha.
First il y a une faute, second c'est impossible. Ben, à moins d'être un extra-terrestre. Probablement les mêmes qui gardent leur appart ou leur maison toujours propre.

Je m'éloigne. J'veux plutôt te dire hang in there.
Euh non! J'veux pas dire pends-toi là !
Héhé.

J'veux pas te décourager mais, des crises d'ado, j'en fais encore.

Gomeux a dit…

"Everybody knows its sucks to grow up."
Comme y dit, lui là.

cdn a dit…

sti que c'est weird la vie.

Tu as encore réussi à me donner le moton, Gom.

Yvan a dit…

Il est hyper-connecté sur la vie.
Conteur-né, t'es comme un arbre Gom. Enraciné et projeté dans les airs.

McDoodle a dit…

Oui, ça c'est bien dit !

Gomeux a dit…

Ouan, c'est weird la vie.
Le père d'un ami, Neon pour les intimes, est mort cette semaine, vendredi je pense, sais pas trop.
Cancer du cerveau.
Octobre.
Stie.

***

Moi qui me demandais si j'étais pas trop arracheur de larmes.
J'étais pas sûr qu'on m'appellerait pas de nouveau Guimauve...

Wow, merci.
Jvas essayé de pas être trop saule pleureur

Anonyme a dit…

Je me souviens avoir dit à mon père que j'aimais plusse ma mère. J'avais trois ans. Ou quatre.

Je me souviens aussi de ses yeux, blessés. Et de la punition, après.

Ton enfant, une seconde, tu es le papa le plus fort du monde entier. La seconde suivante, il ne t'aime plus. Concentre toi sur les secondes où c'est rose.

Oublie les autres, les noires. Celles où tu te demandes pourquoi, pourquoi tu as fait ça.. un enfant.

Yvan a dit…

La famille.
Positive neutre ou négative,elle
marque parce que je suis une étape de son évolution dans le temps.
Je suis son prolongement et ses racines en même temps.
Un contrat où il y a peu à négocier, beaucoup à accepter.

Mek a dit…

Je pourrais pas prendre ça, une pareille phrase. Je crois bien que c'est tant mieux si je continue ma vie comme ça, tout seul. Erhmh… Yup. Juste d'y penser ça me scie les jambes.

Gomeux a dit…

Bah.
T'as neuf mois pour t'habituer à entendre et voir ta blonde se transformer.
Sur tout les plans.

Ensuite, une bonne journée, y a pu de place dans sa bédaine, ça se met à couler partout et elle se met à hurler. Ça se peut même qu'elle te lâche un "mon esti kessé qu'y avait de si dur à artenir ta tite goutte!!!" pendant qu'elle fends et saigne.

La tite affaire toute rose arrive pis tout est oublié, mais pas complètement.
Parce que y a rien qui arrive pour rien, tsé. Pis que ça sert à te préparer pour ce qui s'en vient.

Tout ça pour dire, que je ne regrette pas, je ne me demande pas pourquoi j'ai fait ça. Pask ça srait innocent en calisse vu que ça fait déjà pas loin de 4 ans que c'est arrivé.
Les moments roses sont plus nombreux que les noirs fort heureusement.

***
C'est beau Yvan, ta phrase...

***

Bienvenue chez nous Princesse!