Je suis allé fouiller dans mes tiroirs et je me suis remis au travail.
Voici un truc qui pourrait peut-être faire partie de ce qui pourrait être un jour un roman.
On travaille là-dessus. Entre autres.
Dinde Dorée
Une nouvelle de
Guillaume Pâquet
2004-2011
Samedi soir, 10 heures et 10. Je suis dans la chambre, assis devant l’ordinateur. Je clavarde avec quelqu’un qui dit être une lesbienne de 23 ans, portant du 36 c et habitant Repentigny. Jeanne est dans le salon avec son frère. Ils écoutent un film d’horreur, un de ces films de peur japonais que les Américains ont cru bon refaire avec des actrices blondes et des villes aux noms plus familiers. Terreur à Mobile, Alabama !
La conversation avec la lesbienne s’enlise depuis un bon moment, elle doute de l’authenticité de mon identité. Les hommes doivent payer pour chatter ici, pas les femmes. Je me suis inscrit comme fille, j’ai pris une photo sur un site de soft porn et voilà. J’ai 25 ans, je suis bisexuelle, enceinte et mon chum me joue dans le dos sur des sites de rencontre virtuels. La lesbienne veut entendre ma voix. Je change de sujet et je lui demande ce qu’elle porte. Autant en venir au but tout de suite. J’attends la réponse impatiemment, je fais une recherche sur les autres femmes en ligne, je regarde leurs photos. Sans trop savoir pourquoi.
Les chats se mettent à courir dans le couloir, une longueur, deux longueurs. Brom Brom brom Brom-brolom krrr krrr krrrr. Leurs griffes graffignent le plancher. Ils sautent, se lancent par terre, le plancher vibre un peu, Colette a pris du poids depuis la grande opération. Pause. Je les regarde par le cadre de porte de la chambre, ils se font face et se préparent pour d’autres longueurs. Les deux ont les yeux noirs, les pupilles sont dilatées au maximum et leurs queues branlent vigoureusement.
Je sors de la chambre, j’en prends un dans chaque bras et je les enferme avec Jeanne et Luc, dans le salon, à l’autre bout de l’appartement.
En revenant devant l’écran, la lesbienne me dit qu’elle doit quitter. Pas grave, ça n’allait nulle part. Une partie de moi se réjouit et se met à espérer que nous (c’est à dire toutes les parties de mon corps et de mon esprit qui ne sont pas intéressés par les relations adultères virtuelles) allons passer à quelque chose de plus constructif.
Je fais taire ma bonne conscience en m’adressant à ce qui semble être une femme de 36 ans. Elle dit être mariée, bisexuelle et à la recherche de discussions cochonnes avec des femmes. Excellent, pas de taponnage avec ce genre de personnage. Surtout pas besoin de faire vérifier trois fois son identité avant de les sauter virtuellement.
Ça sonne à la porte, dix heures et vingt.
Je quitte Exploder, me déconnecte de l’internet, me lève, vérifie que je ne suis pas en érection et je me dirige vers la porte d’entrée. Jeanne est dans le cadre de porte du salon et attend de voir qui sonne, elle tient Colette dans ses bras. Comme je m’approche, la porte s’ouvre, c’est le voisin d’en bas, qui est aussi le propriétaire. Il entre. Je me recule un peu. Il titube et respire fort. Il pue l’alcool. Je vois dans ses yeux que c’est à propos des chats
— Salut
— Allô
— Z’ai essayé d’appeler, zc’était toccupé
Il me tend des papiers
— Ça cé lé… lééé…
Il a la bouche grande ouverte, il lui manque une incisive inférieure et il en a une autre qui branle et vibre pendant qu’il parle. Il s’est peut être battu ? Peut-être a t’il goûté à la médecine de ses escaliers glissants?
— Cé le… lééé…
— Les T4 ?
— Lé T4.
— Ok.
Il me tend les papiers, je les prends.
Ses yeux regardent par dessus mon épaule et semblent chercher les chats.
Sa dent tremble à chaque respiration, elle semble tenir le coup malgré tout. Il prend une grande inspiration et s’appuie sur le mur, il lui reste un autre papier.
— Ça cé lé… la…
— L’avis d’augmentation de loyer ?
— Ouain.
Il semble offusqué que je ne l’aie pas laissé finir sa phrase tout seul. À jeun il parle avec un accent portugais. Quand il est saoul comme présentement, ça se confond, son accent devient presque exclusivement ivre international.
Je prends l’avis, 10 piasses de plus à partir de juillet. Comme l’année d’avant. Et les deux autres d’avant. Et comme l’année prochaine fort probablement. Le loyer est encore abordable, il a du rattrapage à faire pour rejoindre les prix du marché.
Jeanne s’approche et se place derrière moi, je lui donne les papiers.
En voyant ses yeux je comprends qu’elle devine ce qui s’en vient. La colère lui fait froncer les sourcils.
Ça fait trois ans qu’on marche sur la pointe des pieds pour ne pas qu’il se plaigne du bruit, et il s’en plaint quand même.
Il a appelé la semaine passée à huit heures du matin parce que les chats venaient de faire une petite longueur d’appartement. «J’ai le droit de vouloir dormir à huit heure si je veux.»
Le lendemain, à sept heures du matin, il était sur le toit du bloc pour déneiger. Il a vraiment bien déneigé la partie au-dessus de notre appartement.
Il possède deux canaris et souffre probablement d’ailourophobie.
— La zlé CHATS, ça pu PU continuer !!
Il monte le ton, se serre les mâchoires et peut-être sent-il que je regarde sa dent car il tente de la cacher derrière sa lèvre inférieure. Ça provoque un zézaiement qui rend la discussion encore plus dure à supporter.
— Ben là, spask yé yenk 10 heures…
— JZ’ m’en FOUS !!!! On écoute tutte en bas !! TUTTE !!
Je lui fais timidement signe de baisser le ton avec ma main.
— ZSS’cusez, qu’il siffle entre ses dents. Il se pince les lèvres avec l’index et la moitié de pouce qu’il lui reste (accident de scie ronde), les trois autres doigts de la main en l’air. Il lève l’autre main en signe de pardon et réprime un rot.
— On écoute tutte pis là ccccé là quatrième fois que jze vous le dis. Cé t’assez.
— Je sais qu’on entend tout. Tsé, j‘veux pas partir de guerre mais juste avant hier, vous êtes rentrés à 2h de matin, pis vous étiez pas vraiment discret, pis des fois, vos canaris-
— Ah BEN Les CHATS qui COURENT PARTOUT dans l’appartement à dzeux Troizeure du matin z’en VEUX PU ! VOUS avez DIX jours pour faire DIZSSPARAÎTRE Les CHATS-
Jeanne passe la tête par dessus mon épaule et s’insère dans la conversation, je sens son ventre gonflé contre mes reins.
— Han ?
Le propriétaire se remet l’index et le majeur sur les lèvres. Il lève l’autre main en signe
de pardon
— 10 jours pour faire dizsparaître le BRUITS des chats !
— Ben là j’m’excuse monsieur Miranda, mais je pense que vous êtes présentement pas en état de me dire quoi faire. Vous êtes-
— MA QUESSZ ÇA FA que JEU ZSSOIS comme je zssuis LÀ. JE ZSSUIS PAS DANS MON AUTO !
Il mime qu’il tient le volant.
Je regarde Jeanne dans les yeux, elle recule en me fusillant sur place du regard.
Je me retourne vers Miranda, j’essaie de gagner un peu de sympathie, je sais qu’il est divorcé, je roule les yeux en voulant dire « …les bonnes fammes… quessé tu veux fére…». Il se calme. Un peu.
— Jze suis chez moi, jze dérange pas personne, zeu suis pas dans mon auto, et les CHATS courts partout !!!
Il reprend ses arguments comme ça deux trois fois, en boucle. 10 jours d’avis, et puis quoi après les 10 jours ? C’est pas spécifié. Je ne m’objecte que symboliquement. Comprenez monsieur Miranda, le minou est tout jeune.
Il ne veut rien entendre.
L’idée me vient sporadiquement de le pousser en bas de son escalier glissant, juste pour voir ce qui se passerait avec sa dent qui branle…Mais je suis poli.
Je n’ai jamais été très menaçant dans ces situations. Toujours eu peur de déplaire, de me faire haïr. Un bon ti-gars qui dit jamais un mot plus haut que l’autre et qui roule des yeux quand c’est le temps. «On l’entends pas ! Tout le temps en train de lire oubedon de jouer dans sa chambe !» «aye, si mon Michael pouvais-tu êtes tranquille de mingue !»
Il finit par s’en aller au bout de 5 minutes. J’ai les mains qui tremblent.
Luc, le frère de Jeanne, est dans la porte du salon, il tient le chaton Daniel.
— Dix zours ! Cétacé !
— Ça PU PU continuer, que je lui réponds mollement.
Le film vient de perdre de son intérêt, il s’en retourne chez lui.
Après l’avoir salué, je vais me prendre un verre d‘eau, j’en renverse un peu en regardant mon verre trembler dans ma main. Jeanne est dans le lit, et tient un oreiller entre ses bras. Rageuse.
— Le vieux CÂLISSE... Vieux crisse de saoulons ! Ça va être quoi après ?? Pis ça va être quoi quand le bébé va être là ?!?
— Ché pas… Par contre, euh…C’tait pas le move de la soirée pareil, dire à un gars saoul kié saoul. Tsé, ctait quasiment comme y demander d’hurler plus fort…
Je me déshabille en la regardant du coin de l’œil, anticipant sa réaction. Je me glisse furtivement sous les draps, elle n’est pas dupe et sait que je veux éviter son regard. Elle s’appuie sur son coude en me regardant.
— Fallais tu que j’y amène une biére en plus ?? Tsé, cibouère…Na-non y reviendra nous vouère quand y s’ras à jeun le vieux câlisse ! Pis pourquoi y capote tant que ça après les chats ? Y courent 10 minutes dans journée pis c’est beau…
— Ptête que son ex-femme aimait les chats…
— Pis ? Y est pu avec là, y pourrait nous câlisser patience yenk une fois dans sa vie. J’haïs assez ça des vieux niochons d’même là…
— On fait quoi ? On met les chats dans le salon ? Ek litière ? Au moins si y courent, ça va juste être dans ste pièce là.
— Ça va être le fun de regarder la télévision…
— Spa toé qui dis kia yenk dla marde à Tévé ? Tu vas avouère une Tévé en odorama…
— …
— Quessé tu veux qu’on fasse de plus, y capote, yé saoul pis y veux rien comprendre... Couche toé donc, tu te fatigues pour rien avec ces niaiseries-là.
— Ouin… mais j’ai quasiment hâte pareil d’entendre le bébé brailler à 4 heures du matin, juste pour que ça lfasse chier…
Elle termine sa phrase en m’embrassant. Je ferme la lumière.
Je m’endors en pensant à mon match de hockey cosom du lendemain, je suis en train de casser la gueule à deux-trois morons en même temps. La preuve que je rêve.
Je me réveille en pleine nuit, cauchemardant que j’ai furieusement envie d’aller à la toilette. Je sors du lit et en posant le pied par terre je me rends compte que ça ne va pas du tout. Pendant que je cours silencieusement vers la salle de bain, je refais vite une liste de ce que j’ai mangé et bu. Ça ne peut pas être pas la bière, j’en ai bu juste deux. Peut-être la poutine et le Roca Cola…
Dès que je m’assois sur le banc de la toilette, ça sort. Comment est-ce que ça peut se liquéfier comme ça ? Je sens que ça remonte vers le haut aussi. Une onde de souvenirs échoue en même temps dans ma tête. Je revois toute les fois où j’ai réussi à refouler les envies de vomir depuis que je suis petit. C’était pour moi une fierté à chaque fois. Je réussissais à repousser le mal, quelqu’un s’en rendrait compte un jour, j’en étais certain. On m’adulerait bientôt!
Pas ce soir, ce soir c’est trop fort. Aucun rempart ne peut résister à ce qui s’en vient. Je dois me lever prestement de la toilette, la flusher pendant que je me retourne et que je m’accroupis pour vomir. C’est une explosion, un raz-de-marée, la toilette se vide pendant que je la remplie. Les spasmes secouent mon ventre, mon dos, ma gorge. J’ai de la sueur au front et je ne distingue que vaguement les restes de mon souper qui virevolte dans l’eau montante. Puis l’accalmie, l’œil de la tempête ? La pensée que je puisse rater la partie de hockey du dimanche m’apparaît et me redonne un peu de volonté de combattre. Sans grand résultat. Une autre vague me happe. De la bile. Ce sera quoi après ? Mon corps se crispe, luttant contre l’absurdité d’expulser du vide.
Ce qu’il fait, une fois, deux puis trois fois. Plus rien ne sort, mon ventre se contracte, mes épaules se haussent à chaque fois et se replient vers l’avant, je beugle et j’ai les larmes aux yeux.
Qu’est-ce qui m’a rendu malade ? La sauce brune ? Le fromage ? Un virus attrapé dans le métro ? Non… Il faut que ce soit le Roca Cola. Absurde. J’ai pourtant un drôle de goût dans la bouche, c’est sur et sucré.
Je m’assois sur les tuiles froides de la salle de bain en m’adossant contre le mur et je regarde mes mains sous la lumière de la veilleuse, elles sont blêmes et tremblotantes.
Ça fini par se calmer. Je retourne me coucher, il est 4 heures du matin. Je ne dormirai plus.
C’est chaque fois pareil. Je me revois dans ma chambre d’enfant à Amqui, sur mon minuscule lit, recouvert d’un couvre-lit en forme de voiture parce que mes parents ne pouvaient pas m’acheter le lit en auto. Malade, fiévreux, apeuré par tous les bruits que je peux entendre. Effrayé par le vieux merisier qui fait grincer ses branches mortes sur la vieille tôle du vieux garage Fournier. Terrifié par le toit de la maison qui craque sous la neige et les froids de février. Intrigué parfois par ces rares visiteurs dans la cuisine qui parlent pendant que je suis malade. Tous les commentaires que ces gens disent qui me concernent peut-être. Qui ne parle pas de moi du tout finalement.
Et toujours cet inconfort, ce marathon dans mon lit, mon repère, cette nausée qui empêche le sommeil de prendre racine. Et la tôle qui grince. Et ce lugubre merisier qui n’a jamais rien donné.
J’entends les chats qui commencent à courir.
Les Canaris à l’étage en dessous ne semblent pas être dérangés.
Dimanche. Huit heures. Je regarde Jeanne dormir. Ma main sur son ventre rond, j’attends, espérant sentir les mouvements de mon fils. Ça ne vient pas. Il doit dormir.
Tout est tranquille, pas de bruits dans l’appartement. Il fait soleil dehors. La chambre est pleine de lumière. Une voiture passe sous ma fenêtre. J’entends sous ses roues le bruit de la neige fondue par le soleil encore faible de février, le calcium et le va-et-vient matinal des clients du marché Jean-Talon. Je place mes bras derrière ma tête, j’essaie de m’imaginer avec un bébé dans mon lit, le matin. Un matin comme celui-ci. Une onde de fierté monte en moi. C’est agréable et incontrôlable, ça me dépasse largement, je le sens.
Après un temps, l’angoisse de subvenir aux besoins de cet être tout neuf se fait sentir et mon ventre bascule presqu’à nouveau.
La journée se passe en mode « lendemain de veille ». La matinée à vomir ou non et l’après midi à errer comme une âme morte dans toutes les pièces de l’appartement. Je fais quand même un effort supplémentaire pour ne pas trop faire de bruit. On prend bien soin de séparer les chats le plus longtemps possible. Le loyer est vraiment pas cher et c’est tellement bien situé.
Lundi. Daniel a un rendez-vous pour se faire castrer et je dois l’amener chez le vétérinaire avant d’aller travailler. Il neige doucement ce soir, c’est paisible. Les sons de la ville sont étouffés, le quartier semble être devenu un petit village tellement c’est tranquille et moelleux comme ambiance. Cinq centimètres depuis ce matin, ça fait du bruit quand je marche. Cronche, crounche, cronche. Je suis encore vaguement dans les nuages comateux de ma crise de vomi de la nuit de samedi, les épaules endolories.
J’arrive au coin St-Zotique/St-Denis. C’est l’heure de pointe, les voitures roulent comme en temps normal, vite et mal, mais on les sent plus vulnérables, incertaines dans les cinq centimètres de neiges. Je sens Daniel trembler. Une maman passe avec sa petite fille assise dans un traîneau. La maman regarde la cage : « regarde Mégane ! Un ti-minou ! » La petite mange un biscuit, elle le tient à deux mains avec ses mitaines, ses yeux sont presque cachés par son capuchon. Elle me regarde en passant sous mon nez et s’éloigne en se laissant traîner par sa mère.
La lumière change au vert. Une voiture descendant St-Denis qui croyait avoir le temps de passer freine et glisse en silence sur 2 mètres. Elle s’arrête finalement en plein milieu de la rue et repart avant que les Klaxons se fassent entendrent.
St-Zotique/Christophe-Colomb, j’enjambe un pare-choc gisant sur le trottoir et je regarde des deux cotés de la rue avant de traverser.
En entrant chez la vétérinaire, j’ai l’impression que j’apparais dans un mauvais téléroman. Il y a un chat qui dort sur le comptoir près de la caisse enregistreuse, un couple flatte un grand Danois en lui disant des mots doux, une employée place des sacs de moulés dans une étagère, et une vieille madame sort d’une salle d’examen avec son caniche dans les bras, suivi de la vétérinaire.
— Jvous rmarci donc ma tite madame, ché pas ske j’aurais faite si y avais fallu que mon ti-Bijou toffe pas l’opération.
— C’était rien madame Larose. Y va être ben correct votre Bijou.
La vétérinaire doit avoir à peu près mon âge, fin vingtaine, rousse, yeux verts, nez fin. Sarrau vert, uniforme, on imagine déjà une romance entre le personnage principal et la jolie docteure animalière... Elle se dirige derrière le comptoir et regarde des dossiers. L’employée qui plaçait les sacs s’approche de moi.
— Oui ?
— Je viens porter mon chat, Daniel, il se faire opérer demain.
Je monte la cage au niveau de son visage. Daniel la regarde.
— Suivez-moi s’il vous plait.
Elle m’emmène dans une autre salle d’examen qui donne sur une pièce pleine de cages. Elles sont presque toutes occupées. Un Gros Labrador noir se lève et me regarde de derrière ses barreaux.
L’employée installe Daniel sur une table en acier inoxydable, l’examine, il rechigne un peu, à peine.
C’est qu’il est bien élevé ce chaton ! Cinq mois ! Il ramène la balle ! Je ne me contrôle plus, un scénariste vétérinaire s’est emparé de moi, je suis un personnage, un caméléon sans personnalité, qui se transforme au gré des rencontres. Pour le moment je suis : le plus très jeune adulte en mal d’être qui est en admiration devant son chaton et la vétérinaire rousse au nez fin (qui palpe au même moment les bourses d’un grand Danois).
L’examen de Daniel se termine, l’employée me demande de faire rentrer Daniel dans sa cage.
— Oh, d’habitude, il entre seul dans sa cage.
Le chat essaie de sauter en bas de la table de stainless, ne semble pas vouloir y entrer. Il miaule en me regardant, je le rentre dans la cage.
— Vous allez pouvoir venir le chercher demain vers 6 heures.
Retour, marche en sens inverse vers le métro, vers la masse qui retourne à la maison.
Je pars travailler.
Même procession de véhicules, arrêt, départ, arrêt, départ, klaxon.
J’arrête au dépanneur, j’achète un billet de loterie, la Dinde Dorée.
Un jour je gagnerai peut-être, je pourrai réaliser mon rêve de sacrer à la TV :
«Calisse de tabarnak ! Jvas pouvouère rembourser mon prêt étudiant !!!»
Je gratte, le billet, je jette le billet.
Une longue file de gens épuisés aux yeux morts attendent pour embarquer dans l’autobus, la porte s’ouvre, le chauffeur est sémillant, il est assis de façon à faire face aux gens qui entrent, il les salue tous, les remercie. Parfois il reçoit un sourire, une réponse.
J’approche de la porte de la station de métro, encore la même surprise qu’hier et que demain, la résistance de la porte, le vent froid qui s’engouffre. C’est lourd, je pousse avec les jambes, je force. Une femme sort, je lui tiens la porte. Son regard est vide, les yeux morts. Elle m’ignore et sort. Je secoue mes bottes, j’entrevois mon reflet dans la fenêtre, je lâche la porte et j’entre, les yeux morts.
4 commentaires:
Carverien, mein Gom. Carverien. J'attends le recueil avec …patience.
Woah, man, je saisissait pas que tu parlais du grand Raymond, marci, amigo.
Ray's the man on the scene.
Encore et toujours.
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