dimanche 10 juin 2012

Rapaillage III


On les frappait, maintenant on les case tous dans le même wagon. Carré rouge+jeunesse=Terroriste potentiel.
Au moins, les cochons parlent encore franfais.
C'est vrai, tant qu'à vivre dans une république de banane, autant y vivre en franfais.
Faut en profiter pendant que ça dure. Ouais.


«Ce dimanche 10 juin à Montréal, je, Virginie Poulin-Bergeron, surnommée "Louve", déclare librement ce qui suit.

Je reviens du métro, il est midi trente. J'avais décidé de ne pas porter de carré rouge. Ni noir. En fait j'avais mis ce que j'avais apporté de plus candide. Une petite robe bleue et des sandales lacées. J'avais mon sac à dos rouge avec dedans, une trousse de premiers soins, deux marionnettes, papier, crayon, bouteille d'eau, des poïs en tissus.

Vers environ 11h, j'embarque à la station Sherbrooke. Quatre policiers, un officier. On fouille les gens qui portent le carré rouge. Je passe sans me faire fouiller. Station Berri. Un policier à tous les trois mètres carrés. Partout des cellules de policiers qui arrêtent des jeunes qui ne portent pas nécessairement de carré rouge, à ce que je vois. Je continue ma route vers le quai de la ligne jaune. Une policière m'arrête et me demande de lui donner mon sac. Je lui donne, elle l'ouvre. "C'est quoi ça?" "Une trousse de premiers soins". Elle me laisse continuer ma route.

Au quai direction Longueuil, environ trente policiers de chaque côté du quai, trois avec le kit de veste pare-bale et leurs chiens renifleurs. Un policier par wagon. On débarque au parc Jean Drapeau. Un barrage de policiers nous attendent de pied ferme pour arrêter les gens qui leur semblent soupçonnables. Je passe presque, une main ferme se pose sur mon épaule. Une policère me dit qu'elle va vérifier mon sac. Je lui donne, elle l'ouvre. Elle me parle d'une voix dure et autoritaire.

-C'est quoi ça, des masques?
-Des marionnettes.
-Vous faites quoi ici?
-Je suis venue voir le spectacle.
-Vous avez vos billets?
-Non.
-Allez vous-en, vous n'avez pas d'affaire ici.
-Je ne peux même pas aller voir les kiosques?
-C'est quoi ça?
-Des poïs. De la jonglerie maorie.

Elle tâtonne mes boules de tissus pour voir s'il n'y a pas qqe chose à l'intérieur. On s'organise pour m'escorter vers la sortie. Trois policiers m'encadrent.

(moi)-Ça doit être une dure journée pour vous.
-Pour nous aussi, c'est dur, vous savez pas.
(elle n'a vraisemblablement pas compris ce que je lui ai dit)
-Vous allez vers Longueuil ou Berri?
-Berri.

On m'escorte vers le quai d'embarquement. On me met avec une sept-huit autres personnes (toutes dans le début de la vingtaine, je crois) encadrées de cinq-six policiers. Deux gars tentent de parlementer. "Merde, on veut juste aller à la ronde!"

Le métro arrive, on nous fait embarquer. On nous demande de rester dans un coin du wagon délimité par deux policiers qui nous encadrent. Une jeune fille parle avec l'un d'eux. Je n'écoute pas trop la conversation. Une fille à côté de moi lit un livre. 1984. Je me penche pour lire par-dessus son épaule. Un jeune homme nous prend en photo de l'autre bout du wagon.

On arrive au quai de Berri-UQAM. Environ huit policiers nous attendent. L'un d'eux porte tout un kit noir, veste pare-balle et tasers (je crois que c'est ça) et a un berger allemand. On nous fait sortir. On nous place contre le mur, on nous demande de nous tourner face contre le mur. On attend un peu. Les deux jeunes qui voulaient aller à la ronde sacrent et rouspettent. Un policier prend la parole.

-Vous voyez le grand noir, là? (on se tourne pour voir un policier de six pieds cinq (à peu près) de couleur noire qui nous attend au bout du mur). Vous allez le suivre à la queue l'un derrière l'autre.

On part, on nous escorte (7-8 arrêtés, 7-8 policiers, environ) dans la station jusqu'à une porte de sortie de secours. Avant d'entrer dans une longue cage d'escalier, un jeune policier qui garde la porte lâche tout bas, à mon passage: "bonne chance dans vos études". Je me retourne "Merci!" en souriant. On monte une longue volée de marches. Les deux jeunes qui voulaient aller à la ronde discutent avec un autre jeune polcier qui semble "cool" et semble leur faire comprendre que lui aussi, il trouve que ça n'a pas de bon sens. L'un d'entre eux dit "si j'avais eu ma caméra, j'aurais filmé tout ça". On est 2-3 à sortir nos cells de nos poches et à commencer à filmer tout en marchant.

On aboutit dans une sortie de métro, celle la plus près de l'UQAM, je crois. Une policière nous attend et nous dit que si on nous revoit dans une sation de métro, on va être arrêtés. Deux jeunes veulent discuter avec elle. Je m'arrête avec mon cell pour filmer le tout. Le grand policier de couleur noire me met la main dans le dos.

-Vous allez sortir (en m'indiquant la porte);
-J'aimerais ça écouter le conversation
-Non, vous sortez.

Le policier avec un berger allemand me regarde. Le policier noir me pousse dans le dos doucement. Je soupire et sort. Dehors, une jeune fille semble ébranlée et émotive. Je lui presse le bras et lui sourit. On jase un peu, on se dit que ça n'a pas de bon sens. On se souhaite bonne journée, je repars. Je marche jusqu'à ma voiture, prend mon portable et me rend à l'auberge de jeunesse où j'ai dormi la veille pour écrire ceci.

Je déclare que tous les renseignements fournis dans ce document sont exacts et véridiques au meilleur de ma connaissance. Les dialogues ont été transcrits au meilleur de ma mémoire, mais diffèrent sans doute de la réalité au niveau de la forme des phrases. Ce texte est exempt de droits d'auteur et peut être utilisé à toute fin que vous
jugeriez utile.»



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